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EDITORIAL SUR LA NOTION DE TORTURE
Alors que la scène nationale est tiraillée par l'apparition de plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux faisant montre de torture sur plusieurs individus il est capital de s'interroger un temps soit peu sur la notion de torture. La notion de torture est l’une des plus condamnées et controversées dans les sphères politiques, juridiques et sociales contemporaines.
Dénoncée par les organismes internationaux, criminalisée par les États, et jugée immorale par une large part des citoyens, la torture persiste néanmoins sous diverses formes dans de nombreux contextes.
La réflexion autour de cette notion nous invite à revisiter des questions fondamentales : jusqu’où peut-on aller pour obtenir la vérité ou maintenir l’ordre ? Quel prix est-on prêt à payer au nom de la sécurité ou de la justice ?
La Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention contre la torture de l’ONU condamnent fermement cette pratique, mais la torture semble s’imposer dans certains contextes comme un mal prétendument « nécessaire ». Les contextes de guerre, de terrorisme ou de menaces graves sont souvent invoqués pour justifier des traitements inhumains. Sous couvert d'interrogatoires intensifs ou de « techniques d’interrogation améliorées », des gouvernements et des forces militaires usent de procédés moralement discutables pour arracher des informations.
Pour beaucoup, la torture se manifeste non seulement par des actes physiques, mais également par des violences psychologiques : l’isolement prolongé, les privations de sommeil, ou encore la manipulation émotionnelle constituent des formes insidieuses de torture qui laissent des séquelles profondes. Ce type de traitement remet en question la notion même de dignité humaine et place les bourreaux et les victimes dans une relation d’autorité et de soumission qui évoque les heures les plus sombres de l’histoire de l’humanité.
La torture soulève aussi un problème éthique majeur pour les États de droit, car elle met à mal les fondements de la justice et de la démocratie. Accepter la torture, même dans des cas exceptionnels, revient à ouvrir une brèche dans les valeurs que ces sociétés proclament défendre. Si l’on admet la torture contre certaines personnes, pour quelles raisons ne pas l’étendre à d’autres ? Cette acceptation implicite finit par instaurer une tolérance et une culture de l'impunité.
D’un point de vue philosophique, plusieurs penseurs, tels que Hannah Arendt et Michel Foucault, se sont penchés sur la violence institutionnelle, perçue comme un outil de contrôle et de discipline. Pour eux, la torture est souvent un symptôme d’une société autoritaire où la force et la peur remplacent le dialogue et la justice. Foucault, par exemple, dans ses analyses sur le pouvoir, montre comment le recours à la violence légitime constitue une façon de maintenir l’ordre en s’affranchissant des principes moraux.
La lutte contre la torture est l’affaire de tous : des gouvernements, des citoyens, des organisations non gouvernementales, et des systèmes de justice. Éradiquer la torture signifie non seulement bannir ces pratiques mais aussi repenser les systèmes d’interrogation, de justice, et de sécurité. Le défi est de taille, mais il en va de la dignité humaine, cette valeur universelle que nous sommes tous censés défendre.
Valère Bapambe Bell